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Les bancs

1 octobre 2005

Ce que voient les ombres ( suite 3 )

Etais-je si crédule? Naïf et candide? Je ne pensais pas devoir m'en construire une de vie. On l'a au départ et... ben, je ne savais pas qu'il fallait l'entretenir! Marner, l'occuper, la passer, la consacrer jusqu'à ce qu'elle ne devienne que survie... Une vraie mission... Tacitement confiée, par une société quasi fantasmagorique, elle devrait alors être remplie. Des milliers de zombies affairés, de morts vivants précaires, des millions de fantômes Rmistes et une poignée de vampires bien gras au sommet de l'échelle alimentaire. Tous engagés dans la même course. Tous distinguant au loin le même but suprême de l'épreuve, la fin de leur statut de cadavre debout..... LE DERNIER ECRAN PLASMA de chez machin!!

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9 septembre 2005

Ce que voient les ombres (suite2)

J'ai réellement commencé la matte vers la fin de l'adolescence. A l'époque j'étais loin de me douter de ce qui allait se passer... J'ai fait mes premières armes avec mes parents. Les vacances que nous passions ensemble, dans les endroits ensoleillés, leur permettait de farniente paisiblement à la terrasse des cafés. Le grand astre leur tanait le cuir et plissait leurs yeux. Nous sirotions nos boissons fraîches à l'abri des inquiétudes pluvieuses qui leur alourdissaient les épaules le reste de l'année.

C 'est là, sur les pavés espagnols et portugais, derrière mon étiquette touristique, que j'ai réalisé mes premières observations. Il y a deux façons d'observer l'humanité. La première est de se laisser porter par son flot incessant et déterminé, la seconde est de la juger quand elle passe à portée de regard. Si certains prônent la facilité d'observation qu'offre la télévision, je dis qu'il est plus sûr de garder son indépendance en se déplaçant soi-même, bref mettre le nez dehors.

Mon oeil s'est affiné, au fil du temps. Mon imagination aussi. Elle est, petit à petit devenue exhaustive, productive et aujurd'hui intarrissable. Ce petit homme, làbas, d'une cinquantaine d'années, se demande, tout en mangeant une barre chocolatée, si il est vraiment utile de se rendre à l'ANPE aujourd'hui. Il mastique son chocolat avec caramel synthétique et noisettes enière-ment reconstituées, les yeux droit devant. Il a stoppé sa marche. Reste là au milieu de la rue pietonne. La foule l'évite, le rase, le frôle, le touche presque mais sans se rendre compte de sa présence... Il fallait être à quelques mètres de là, assis à la terrasse d'un café de la Place du Commerce à Nantes, ce jour-là pour observer cet homme. Se rendre compte de sa présence et lui imaginer un vie à défaut de s'en construire une... Mon Dieu! Si j'avais su! J'y éprouvait tant de plaisir... J'aimais ça moi! Regarder la vie passer... C'était mon cinéma, mes scénarios, qui se déroulaient devant mes yeux affûtés. Le casting? L'humanité.

19 juillet 2005

Ce que voient les ombres (suite)

     C’est pourquoi je ne m’évertuerais pas ici à vous donner un cours de matte. Mais il est nécessaire d’y exposer les structures d’une telle activité, elles induisent en effet la suite de cette histoire, elles sont à la base même de la dématérialisation qui s’est emparé de ma personne, ne laissant au souvenir des autres qu’un vague visage, qu’une faible voix résonnant dans leur lob frontal, berceau de la mémoire.

18 juillet 2005

Ce que voient les ombres

                     Mon café n'est pas encore froid que je pense déjà à en commander un autre. Il est 17h30 à la pendule au dessus des affiches publicitaires, vantant les mérites de soirées à thèmes des discothèques environnantes, qui jonchent les mûrs du bar.

Je suis seul à la terrasse. Adossé au mûr de droite, j'ai la possibilité de voir ce qui se passe dans la pièce, sur la terrasse et les estivants remonter de la plage. Si la manoeuvre est remarquée, cette position visionnaire stratégique doit me donner, pour l'oeil du stratège, un air de voyeur. Sans doute se reconnaît-il alors en me regardant; il n'y a qu'un voyeur pour en reconnaître un autre.

     Mais voilà, je fais partie de la première catégorie, de la crème du regardeur. Bien que ne m'étant jamais mesuré à de réels concurrents dans ce domaine, je me place volontiers au sommet de l'échelle hiérarchique du reluquage interprétatif.

Atteindre un tel niveau nécessite, outre de l'entraînement, une importante propension à se concentrer et à jouer la comédie. En effet, c'est là le  principe fondamental de la matte: savoir observer sans l'être par les sujets de l'observation mais non plus par d'éventuelle compagnie présente sur les lieux de l'effort. Le second point de cette incontournable condition étant ici tout à fait dérisoire, Harry n'arrive que dans une demi-heure, je vais donc mettre à profit ces quelques instants au peaufinage du premier point: passer inaperçu.

     Il arrive parfois, c'est effectivement très rare, que cette discrétion recherchée soit si bien jouée que la population présente en arrive à vous oublier. On le remarque quand une jeune femme s'apprête à s'assoire sur vos genoux. Ce ne serait pas désagréable en soi, mais cela remettrait en cause tout le travail accomplit  à l'instant où la personne sent qu'elle n'est pas toute seule sur la chaise. Il faut alors d'un petit geste discret mais ferme attirer son attention. Mais seulement elle, surtout que personne d'autre de son groupe, si elle est accompagnée, ne le remarque. Une partie de franche rigolade se déclarerait alors, d'où de nombreuses perturbations évidentes du champ d'observation.

Malheureusement ou non, il n’existe aucune méthode enseignée permettant de devenir un tel observateur de ses contemporains.

18 juillet 2005

Transformation, aux chiottes Kafka!

Bien. Où en étions-nous? Les bancs... oui d'accord, les bancs publics tels que les contait Brassens. Mais bon, il y en a d'autres, et celui qui pourrait nous intéresser est bien entendu celui de la société. Ou plutôt le fait d'y être assis.

Je vais donc vous raconter comment je m'y suis retrouvé. Comment, en y posant mon séant bien séant, j'ai fini par n'y laisser que mon ombre. Comment un bourgeois bien gras comme moi, sûr de mes prénotions, de mes infaillibles interprétations, n'est devenu qu'une fine couche ombrageuse n'ayant que le doute comme consistance.

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10 juillet 2005

Aux passants

Je passe ma rue. Je passe mon temps. J'suis pas pressé. Et pourtant...

  A force de marcher, le vent dans le dos, j'en ai vu défilé des bancs, de toutes les couleurs, de formes originales et/ou bizarres, qui font mal au cul ou ergonomiques, des verts, rouges, des incolores, sentant la pisse et inodores, des taggés, "A mort les flics", amoureux gravés... Au banc de la société j'ai tout mon temps de les examiner. Je les regarde passer ceux-là qui s'y reposent, les marquent et les quittent. Ils pensent à leur canapés de cuir, leur sofa moelleux, leur clic-clac "bien pratique si tu reçois du monde", mais se délectent de ces instants le cul presque à même la rue. Proche des cloch', un peu plus bas sur le trottoir, on se prend à rêver de faire partie de cette vie de caniveau, d'eaux usées, de chewing-gum séchés, de dégueulis fossiles, de passes-passes faciles, de miettes de Mc do.

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Les bancs
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