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Les bancs
18 juillet 2005

Ce que voient les ombres

                     Mon café n'est pas encore froid que je pense déjà à en commander un autre. Il est 17h30 à la pendule au dessus des affiches publicitaires, vantant les mérites de soirées à thèmes des discothèques environnantes, qui jonchent les mûrs du bar.

Je suis seul à la terrasse. Adossé au mûr de droite, j'ai la possibilité de voir ce qui se passe dans la pièce, sur la terrasse et les estivants remonter de la plage. Si la manoeuvre est remarquée, cette position visionnaire stratégique doit me donner, pour l'oeil du stratège, un air de voyeur. Sans doute se reconnaît-il alors en me regardant; il n'y a qu'un voyeur pour en reconnaître un autre.

     Mais voilà, je fais partie de la première catégorie, de la crème du regardeur. Bien que ne m'étant jamais mesuré à de réels concurrents dans ce domaine, je me place volontiers au sommet de l'échelle hiérarchique du reluquage interprétatif.

Atteindre un tel niveau nécessite, outre de l'entraînement, une importante propension à se concentrer et à jouer la comédie. En effet, c'est là le  principe fondamental de la matte: savoir observer sans l'être par les sujets de l'observation mais non plus par d'éventuelle compagnie présente sur les lieux de l'effort. Le second point de cette incontournable condition étant ici tout à fait dérisoire, Harry n'arrive que dans une demi-heure, je vais donc mettre à profit ces quelques instants au peaufinage du premier point: passer inaperçu.

     Il arrive parfois, c'est effectivement très rare, que cette discrétion recherchée soit si bien jouée que la population présente en arrive à vous oublier. On le remarque quand une jeune femme s'apprête à s'assoire sur vos genoux. Ce ne serait pas désagréable en soi, mais cela remettrait en cause tout le travail accomplit  à l'instant où la personne sent qu'elle n'est pas toute seule sur la chaise. Il faut alors d'un petit geste discret mais ferme attirer son attention. Mais seulement elle, surtout que personne d'autre de son groupe, si elle est accompagnée, ne le remarque. Une partie de franche rigolade se déclarerait alors, d'où de nombreuses perturbations évidentes du champ d'observation.

Malheureusement ou non, il n’existe aucune méthode enseignée permettant de devenir un tel observateur de ses contemporains.

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